Interprétation

La rentrée professionnelle : entre routine et nouveaux défis

Septembre, le mois des transitions

Septembre est un mois singulier. Il marque la fin des vacances d’été, le retour à la routine, et en même temps l’ouverture de nouvelles perspectives. Les agendas se remplissent, les projets reprennent forme, et chacun retrouve ses repères après la parenthèse estivale.

Après deux mois passés à Minorque, mon autre « chez moi », je retrouve mon bureau en France. Les étagères, la table de travail, la pile de carnets… autant de repères familiers qui redonnent souffle au quotidien professionnel. Ce retour a toujours pour moi le goût particulier des retrouvailles : une respiration entre deux rythmes de vie, un mélange d’élan neuf et de nostalgie.

Retrouver son espace de travail après l’été

Revenir à son espace professionnel après une longue pause n’est pas seulement un retour : c’est aussi une redécouverte. La lumière du bureau paraît différente, le clavier semble nouveau, les sons de la maison reprennent leur place.

On ne revient jamais tout à fait le même qu’en juin : l’été nous a enrichis de lectures, de silences, de rencontres.

Cet équilibre entre « l’ailleurs » et « l’ici » nourrit mon métier de traductrice et d’interprète. Il me rappelle qu’une langue, comme une vie, se construit dans le mouvement et dans l’alternance des espaces.

Un nouvel élan professionnel : pre-candidate AIIC

Cette rentrée 2025 est particulière pour moi. J’ai eu la joie de recevoir une nouvelle importante à la plage, entre deux baignades : je suis désormais pre-candidate AIIC.

L’AIIC (Association Internationale des Interprètes de Conférence) est l’organisation mondiale de référence pour les interprètes. Elle promeut la qualité, la déontologie et l’excellence de notre métier. Y entrer comme candidate est une étape exigeante, mais aussi une immense source d’inspiration et de motivation.

Je poursuis également mon engagement auprès de la SFT (Société Française des Traducteurs), où j’ai été déléguée régionale pendant 3 ans, et de l’AFICI (Association Française des Interprètes de Conférence Indépendants). Ces trois appartenances structurent ma pratique et me permettent d’avancer aux côtés de professionnels passionnés.

Recevoir cette nouvelle dans un contexte de vacances m’a rappelé combien la vie professionnelle et personnelle s’entrelacent dans nos métiers.

De nouvelles idées pour cette rentrée

Une rentrée n’est pas seulement une reprise : c’est aussi un tremplin. Mon esprit est en effervescence (parfois de trop) : nouvelles prospections, projets à développer, collaborations à imaginer. Gérer une entreprise indépendante, c’est conjuguer rigueur et créativité au quotidien.

Chaque rentrée est l’occasion de revoir ses priorités, de réinventer son organisation et de se donner un nouvel élan. C’est une saison où l’on avance avec énergie, mais aussi avec prudence : pas à pas, case après case dans l’agenda.

La rentrée est une saison charnière. Elle exige rigueur et organisation, mais elle ouvre aussi de nouveaux horizons. Elle rappelle que chaque retour est une chance de recommencer, d’aller plus loin, d’inventer autrement.

Pour moi, cette rentrée est un moment d’équilibre : un retour à mes racines professionnelles et un pas vers de nouveaux défis. Merci d’être là, de suivre ce chemin à travers mes lettres, mes traductions et mes interprétations.
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La voix et les langues

Il y a la voix que l’on entend, celle que les autres perçoivent, claire, posée, tangible.

Et puis, il y a cette autre voix. Celle que l’on ressent. Une voix intérieure, plus profonde, faite de silences et de souffles, de souvenirs et de territoires. Une voix qui porte bien plus que des mots.

Quand j’interprète, je deviens passage. Je prête ma voix à d’autres. Je me fais discrète, presque effacée, pour mieux transmettre. Et pourtant… quelque chose de moi traverse toujours. Une intonation, une cadence, un rythme aux airs d’ailleurs. Cette part intime, presque imperceptible, s’infiltre dans les interstices. Elle est façonnée par les langues que je parle, par les lieux que j’habite, ceux d’hier et d’aujourd’hui.

Ma voix est un tissage

De catalan minorquin : ma langue d’enfance, celle du sable chaud et des rires salés.
De français : apprivoisé doucement, tendrement, comme on accueille une nouvelle maison.
De castillan : l’autre langue de mon chez-moi, celle des jeux, de la télé, des journaux

Parfois, ces langues s’entrechoquent, se frottent. Et elles laissent des traces.

Depuis quelque temps, quand je parle minorquin, on me dit que j’ai un accent français

Moi ? L’enfant d’ici ? Celle qui a grandi au rythme des mots soufflés par les anciens ?
Au début, j’étais incrédule. Et puis… j’ai commencé à l’entendre, moi aussi. Certaines inflexions, certains contours arrondis qui n’étaient pas là avant.
Comme si ma voix professionnelle et celle de ma vie à l’étranger, celle qui s’est façonnée au fil des micros et des traductions, avait déposé son empreinte, même sur ce qui me semblait immuable.

Alors, je souris. Un peu surprise. Un peu touchée.

Comme si ma langue d’origine me reconnaissait encore, mais d’un peu plus loin.
Comme si elle n’était plus tout à fait pour tout le monde.
Comme si je la parlais depuis l’ailleurs, depuis ces années à naviguer entre les langues, à décoder les silences et les respirations étrangères.
Depuis les livres lus dans d’autres rythmes, les voix croisées dans d’autres structures.

Ma voix est devenue un territoire mouvant

Un palimpseste : en dessous, l’enfant minorquine est encore là ; au-dessus, les couches de toutes ces années passées ailleurs.

Et peut-être que c’est cela, être « entre la voix et les langues ».
Ni tout à fait ici, ni tout à fait là-bas. Mais en lien. Toujours.

Et si la voix n’était pas ce qui nous définit, mais ce qui nous relie ?
Un fil invisible entre les mondes, entre les êtres, entre les temps.
Un souffle tissé d’échos anciens, d’accents voyageurs, de silences partagés.
Un murmure qui dit, tout doucement : je suis là.
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La forme physique : compétence insoupçonnée des interprètes

Quand on pense au métier d’interprète de conférence, on imagine souvent une cabine vitrée, un casque vissé sur les oreilles, une voix fluide qui suit en temps réel les propos d’un orateur.

Mais l’interprétation ne se limite pas à cette image, surtout lorsqu’il s’agit de missions d’accompagnement. Car derrière les compétences linguistiques et cognitives que l’on connaît bien, se cache une exigence bien plus physique qu’on ne l’imagine.

De longues journées, rythmées par les déplacements

L’interprète en déplacement vit des journées longues et denses. Tout commence parfois bien avant le lever du jour : train de 5 h 42, vol retardé, attente sur un quai venteux. On parle dans notre jargon des heures d’approche et de déproche, ce temps passé à rejoindre puis quitter le lieu de mission (et rarement valorisé).

Quand tout se passe bien, on s’adapte. Quand les transports nous jouent des tours, on s’adapte encore. Et malgré tout, il faut être présent à 100 %, ponctuel, concentré, prêt à traduire dès la première poignée de main. Et je peux vous assurer que quand il faut gérer des retards, le cerveau a tendance à perdre en concentration.

L’effort physique est permanent

Sur place, il n’est pas rare de marcher des kilomètres dans une journée : entre les sites à visiter, les réunions à suivre, les pauses debout dans des espaces sans confort. Parfois, c’est sous un soleil de plomb. D’autres fois, dans le vent glacial d’un chantier.

Notre outil principal, c’est le cerveau. Mais il s’appuie sur un corps qui doit suivre le rythme : tenir debout, garder l’esprit clair, maintenir la voix stable, tout au long de la journée.

Bien sûr, je ne parle pas ici de pénibilité au sens strict du terme, ni ne me compare à des professions dont la difficulté physique est évidente et bien plus constante. Il s’agit simplement de constater une réalité souvent oubliée : dans certaines configurations, l’interprétation d’accompagnement implique un engagement physique réel, qu’il faut reconnaître… et anticiper.

Une surcharge sensorielle constante
Le bruit ambiant, les changements d’environnement, les espaces bondés… nos oreilles captent tout, tout le temps. Et notre cerveau traite, filtre, traduit, sans relâche. Il n’y a pas de bouton pause.

Ajoutez à cela l’interaction humaine constante : avec les clients, les équipes, les partenaires. Être présent, attentif, disponible. Et ce, sans jamais se déconnecter. Ce sont des journées passées en immersion totale dans le monde de l’autre.

“Il faut se ménager”
Un collègue m’a dit un jour : « Il faut se ménager. » Et je suis très d’accord.

Car le retour à la maison, au calme du bureau ou de l’espace personnel, marque rarement une coupure nette. Il faut du temps pour émerger de cette bulle, pour atterrir mentalement, pour que le système nerveux se calme.

Ces efforts physiques et mentaux sont parfois invisibles… jusqu’au moment où l’on sent que notre réservoir est à sec.

Une forme d’hygiène de vie

Finalement, l’interprétation en mission d’accompagnement, c’est aussi une question de condition physique :

> endurance mentale
> endurance physique
> respiration
> sens en éveil

Il faut savoir s’écouter, se préserver, anticiper la fatigue, récupérer.

C’est une dimension du métier que l’on évoque peu dans les formations, rarement dans les briefs clients, mais que chaque interprète sur le terrain connaît très bien.

Nota Bene : Approche et déproche, késako ?
Dans le jargon de l’interprétation, on parle d’approche pour désigner le temps de déplacement nécessaire pour arriver sur le lieu de la mission. Et de déproche, pour le trajet du retour.

Ce sont des moments “hors mission”, mais pourtant bien réels : ils impliquent des levers très matinaux, des transports en commun (souvent pleins), des aléas de circulation, et une gestion d’énergie dès les premières heures.

Pourquoi c’est important ?
Parce que pendant ces temps-là :

> on ne peut pas accepter d’autre mission, ni être disponible pour un autre client ;
> on commence souvent notre journée déjà bien entamée physiquement et mentalement ;
> et surtout, ces heures de déplacement conditionnent notre niveau d’énergie et de concentration sur le terrain.
Et pourtant, ils sont rarement visibles, rarement valorisés, et presque jamais pris en compte dans les échanges ou les devis.