Interprétation

Agences, donneurs d’ordre et interprètes

Le ballet subtil entre agences, donneurs d’ordre et interprètes : le marché privé de l’interprétation en France

Dans l’univers (un peu) feutré de l’interprétation de conférence en France, une danse complexe se joue quotidiennement entre agences, donneurs d’ordre, et interprètes. Cette relation, subtilement chorégraphiée, repose sur des échanges harmonieux, une communication limpide et une confiance sans faille. Et heureusement !

Avis aux lecteurs : le champ lexical de la musique et de la danse est utilisé dans cet article. Parce que j'aime ça (et que j'ai grandi avec ça). Et que, finalement, persévérance et ténacité sont des points en commun entre les interprètes, les danseurs et les musiciens. Et que j'en suis persuadée. Somme toute, nous partageons ce joli terme de "interprète" !

La communication : un art à cultiver

Dans le marché privé de l’interprétation, la communication est la pierre angulaire d’une relation fructueuse. Dès les premiers échanges, la baguette du chef d’orchestre doit bouger (et vite) pour que la prestation arrive à bon port. Sauf que. Sauf que les chefs d’orchestre sont plusieurs et il faut qu’ils se mettent tous d’accord.

Les agences et les donneurs d’ordre (client final) :

Ils doivent exprimer clairement leurs besoins. Autrement dit :

Quel est le sujet de la conférence ?
Quel public sera présent ?
Quelles sont les langues nécessaires ?

Ce briefing initial est une partition que l’interprète devra déchiffrer pour préparer son travail en amont.

Les interprètes :

La réactivité est essentielle. Répondre rapidement aux demandes de disponibilité, poser des questions pertinentes, et démontrer une compréhension fine des attentes témoigne d’un professionnalisme rassurant. Je le répète : la réactivité est clé !

Dans cette danse, chaque détail compte. Une mauvaise information, une date mal notée, ou une méconnaissance du sujet peuvent transformer un ballet harmonieux en une cacophonie stressante. Mais lorsque les mots sont précis, le ton respectueux et les intentions claires, une véritable complicité peut naître.

La confidentialité : ce pacte silencieux

Le respect de la confidentialité est une promesse tacite que chaque interprète professionnel signe dès qu’il endosse ce rôle. Le marché privé, en particulier, expose souvent l’interprète à des informations sensibles : stratégies d’entreprise, données financières, négociations commerciales ou discussions politiques.

Les agences et les donneurs d’ordre (client final) :

Il est essentiel de transmettre cette attente clairement, dès le début. Les contrats doivent inclure des clauses précises sur la protection des données et le respect de la confidentialité.

Pour les interprètes :

Le respect du secret professionnel est une seconde nature. Nous l’apprenons à l’école. La discrétion ne se limite pas à ne pas divulguer des informations, mais s’étend à toutes les étapes du travail : éviter de parler de projets sur les réseaux sociaux, protéger les supports de préparation, et conserver une posture neutre en toutes circonstances. Surtout, la posture neutre. Je me souviens encore de cette formation intitulée « Protocole pour les interprètes », que j’ai eue pendant les études.

La confiance naît du respect mutuel de ce pacte silencieux. Elle permet aux interprètes de s’investir pleinement dans leur travail, en toute sérénité.

L’art délicat des prises de contact

Chaque prise de contact, qu’elle vienne d’une agence, directement du client final ou via un collègue, est une porte ouverte sur une collaboration potentielle. Donc, quelle que soit la nature de la prise de contact, elle est toujours importante !

Le premier contact :

Qu’il soit par e-mail ou téléphone, il doit être courtois, clair et précis. Mentionner le cadre du projet, les attentes, et les contraintes éventuelles donne à l’interprète les clés pour évaluer la faisabilité de la mission. Cela nous renvoie, en quelque sorte, à notre premier point : la communication.

Les suivis :

Une communication régulière et respectueuse est essentielle pour maintenir une dynamique positive. Cela inclut la mise à jour des informations sur l’événement, l’envoi des documents nécessaires et la réponse rapide aux questions des interprètes.

Entre options et engagements fermes : la gestion des dates

L’agenda d’un interprète est une partition pleine de bémols et de dièses. Des traces à l’encre de couleurs, des allers-retours, de confirmations et d’attentes. Valser dans cette temporalité fluctuante nécessite une coordination rigoureuse.

Les dates en option

Poser une date en option est une pratique courante dans le marché privé. C’est la réservation. Cela permet à l’agence ou au donneur d’ordre de « réserver » provisoirement la disponibilité de l’interprète, en attendant des confirmations définitives.

Pour éviter les malentendus, il est crucial de définir clairement la durée de l’option et les conditions de conversion en engagement ferme.

Les engagements fermes

Une fois la date confirmée, elle devient prioritaire. C’est là que l’interprète bloque définitivement la date. Dès lors, les préparatifs peuvent commencer : collecte des documents, études de contexte, et éventuelles réunions préparatoires.

Pour l’interprète, jongler entre options et engagements fermes est une danse d’équilibre, comme un funambule, mais un agenda bien tenu et une anticipation des imprévus permettent de conserver l’équilibre. Mon agenda est plein de couleurs !

Une relation à cultiver dans le temps

Le marché privé de l’interprétation en France est un microcosme (oui, oui !) où la réputation se bâtit à force de fiabilité, de rigueur et d’humanité.

Pour les agences et donneurs d’ordre :

Investir dans une relation de confiance avec des interprètes de qualité est une stratégie gagnante. Un interprète qui se sent respecté et valorisé sera plus engagé et motivé.

Pour les interprètes :

Chérir chaque collaboration, même lorsqu’elle semble ponctuelle, est essentiel. Une mission bien exécutée peut ouvrir la porte à d’autres opportunités, souvent imprévues. Je l’ai toujours dit, depuis que j’ai créé mon entreprise : il n’y a pas de petits clients, chaque projet, bien qu’il soit petit, doit être traité comme la plus grande des ambitions !

Conclusion

La relation entre agences, donneurs d’ordre, et interprètes dans le marché privé de l’interprétation est une partition complexe, où chaque acteur a un rôle essentiel à jouer. La clé du succès réside dans une communication fluide, un respect mutuel et une attention aux détails.

Comme dans une danse, l’harmonie naît de l’écoute et de la synchronisation. Ensemble, ces acteurs peuvent transformer chaque mission en une symphonie parfaite, où les mots, portés par la voix de l’interprète, traversent les frontières et les cultures.

Vie à l'étranger

Il y a 20 ans, je suis arrivée en France

Il y a 20 ans, je suis arrivée en France

C’était une fois il y a très longtemps.
C’était une fois il y a très très longtemps.
Et puis, un jour, ç’a été deux fois. Deux fois il y a très longtemps.

Deux fois que ce fût ma première fois dans ce pays, dans ce beau pays.

15 ans à mon compteur. Et seulement deux ans que j’apprenais le français. Au lycée, j’avais pris langue française comme LV2. J’ai tout de suite adoré. J’aimais les langues. Un jour, le professeur m’a mise au courant d’une bourse que je pouvais demander auprès du Ministerio de Educación. Une bourse pour passer deux étés (non pas un mais deux) en famille, en France, en séjour linguistique. Elle m’a dit, « essaye, vas-y, il faut de bonnes notes, c’est tout ». J’ai essayé. J’ai fait la paperasse.

J’ai oublié que j’avais fait la paperasse.

Et puis, un jour, une enveloppe m’attendait sur la première marche qui conduisait à l’appartement où j’habitais avec mes parents. Je l’ouvre. Je lis. C’est un oui. Et je fonds en larmes. Non pas de joie, non. Mais de trouille. De grande trouille. J’ai eu la peur de ma vie. J’ai pleuré devant mes parents. Eux, ils n’ont fait que m’encourager. J’étais déjà partie seule, à 9 ans une semaine (en avion) et à 11 ans deux semaines (en avion). Mais là, à 15 ans, quand la vie se construit, quand mon coeur commençait à battre pour les jolis garçons, j’ai eu la peur de ma vie.

La France. Fraaanceeeeeeee. La Fraaance douce Fraaaaaanceee. Ce grand pays. Ce beau pays. Peur. Peur. J’ai eu très peur. Peur à en pleurer, beaucoup. Mais je ne suis pas de nature à renoncer, pas à revenir en arrière. Je pleure au fond de mon lit mais j’avance.

Fin juin 1 995. 15 ans. Je traverse la mer pour rejoindre un groupe de jeunes à Valence (Valencia, Espagne). Le car partait de là-bas. Étant donné que je viens d’une île, je pouvais choisir mon point de départ. Je ne sais pas pourquoi, j’ai choisi Valence. Plus de 20 heures de car. Ma mère aussi devait avoir le trouillomètre à 4 000. Chez nous, on peut faire que 50 km ligne droite. Sinon, c’est la mer. Un trajet Valencia – Nantes ! Un trajet qui allait changer ma vie, je ne le savais pas.

J’ai découvert la Fraaance. Mais j’ai aussi découvert les grandes villes. Je n’ai pas découvert Barcelone, ni Seville, ni Madrid.

Non, j’ai d’abord découvert les grandes distances continentales ici, en France.

J’ai découvert les grandes salles de cinéma, ici, en France.
Et le Flunch.
Et mon « t-shirt Naf Naf est le seul amour de ma vie ».
Et la Tour Eiffel.
Et les garçons.
Aller à la piscine.
Suis tombée amoureuse d’un magasin là « où y a de tout », ah oui, c’est le Monoprix.
J’ai vu un tram pour la première fois de ma vie. Et j’y suis montée.
J’ai essayé d’apprendre à dire « les chaussettes de l’archiduchesse sont-elles sèches? »
…mais aussi « il est des nôotres, il a bu sa bière comme les autres…et glu et glu ».
J’ai chanté Cabrel et J. Clerc et Céline Dion et P. Bruel et les Enfoirés.

En 1 995, le château des Ducs de Bretagne était fermé. Nantes était un peu plus grise. Après l’école, on descendait jusqu’au bar de la place de la Bourse. Et on buvait un diabolo fraise. J’ai découvert le Perrier aussi.

Et puis on rentrait, en famille. J’ai appris que ce que l’on fait en Fraaaance à heure X, on le fait en Espagne à heure X+2. Deux heures de décalage. Pour manger, pour dormir, pour aller se balader.

Et j’ai cru que tous les chiens de la Fraaance, s’appelaient « arrête ». Au bord de l’Erdre, ma famille me sortait et je ne faisais qu’entendre « mais arrête, arrête, arrête, arrêeeeeteeeeeuuuh ». Alors pour moi, tous les chiens étaient des « arrête ».

Je balbutiais avec un Larousse toujours dans ma main. Dans mon sac. Jamais sans mon Larousse.

Et puis, j’ai appris à détester ces longs week-ends du 14 juillet. La Marseillaise et tout ça. Non, ce n’est pas La Marseillaise que j’ai détesté. J’ai hais la pluie des week-ends du 14 juillet. La pluie en juillet, ça devrait être interdit.

Mes amis allaient à la plage, et moi je restais enfermée dans une maisonette pourrie de Mesquer.
Il faisait froid et humide. Pourtant, un mois de juillet. Fraaaance.

Je n’ai rien compris le jour où on m’a amenée à la plage et ils se sont tous collés au muret postérieur. Pourquoi ça ? À la plage, on se baigne, on fait le lézard, on transpire.
Mais j’étais en jeans. Un timide rayon de soleil avait poussé ma famille française à aller à la plage.
Bouche bée. J’étais bouche bée.
Mais il y a les marées. Mince alors. La mer c’est l’Atlantique aussi.

Et les campings. Le camping, cette choooose si française. Je l’ai découvert aussi.
Et les jardins, les mûres et les confitures. Cette chose si française aussi.

Je découvrais.
J’écrivais des lettres à mes amies restées sur Minorque. Elles me répondaient.
Mais je savais que tout aller changer.

Les premières histoires d’amour.
Les premiers soucis.
Les premiers tracas et les premières joies.
Ces choses merveilleuses qu’on vit à 15 ans.
Je les ai vécues avec des gens étrangers. Avec des gens différents.

Je suis rentrée. Le mois d’août finit. Les cours reprennent. Je suis en 1° de Bachillerato S  (Première S).

Juillet 1 996. Rebelote.

Je retraverse la mer. Jusqu’à Barcelone cette fois-ci. Encore une bonne vingtaine d’heures de car. Pour Longwy cette fois-ci. Long- quoi ? J’ai cru qu’en partant de Barcelone, j’allais avoir une super ville.

Je me retrouve à Herseraaangeeee. De ma fenêtre, je vois les cheminées d’usine.
J’en apprends plus sur la Fraaance. Douce Fraaance.

Une famille gentille comme tout. Attentionnés et qui font tout pour me comprendre.

Je ne me suis pas encore séparée de mon Larousse.
J’hallucine devant cette famille qui vit en francs français mais aussi en francs luxembourgeois, en francs belges et en marcs allemands. Ils vivent en France, travaillent au Luxembourg, ont de la famille en Belgique et se baladent en Allemagne.
Moi je viens d’une île.
La Fraaance. Grande Fraaaance.

Je continue d’aller à la piscine.
D’écouter Francis et Patrick, Céline et Julien. J’y ajoute Renaud.
Parce que je continue d’apprendre la langue.

Je redécouvre les joies du 14 juillet sous la pluie, sous une tente au bord d’un lac.
En juillet, je veux mon soleil.
Je vis ma jeunesse auprès de ces jeunes français que je connais depuis 1 semaine, ou 2. J’ose chantonner « il est des nôootres, il a bu sa bière comme… »

Je pense à mes amis restés à Minorque.
Je suis sûre que le garçon qui me plait est parti avec une autre.

J’ai 16 ans. Mon coeur bat fort.
Ma jeunesse se construit en France.
Un garçon me fait de l’oeil.
Je me lie d’une forte amitié avec une autre fille espagnole. Elle est dans la famille copine de la mienne.
Oufff. De temps en temps cela fait du bien de parler sa propre langue et d’arrêter les « je vaAA dormir ». Non, c’est « je vAIS dormir' ».

La langue. La vie. La Fraaaaance.

L’été finit. On ne l’a pas vu passer.
Certes, avec cette pluie.

Mais j’ai vu Nancy et Metz, parcouru la Lorraine. Triers et le Luxembourg.

Temps de renter sur mon île. Mon île. Mes amis. Ma famille.
Une journée de car et un avion, encore.
Un bouquet de fleurs résiste à tout ça.
Un bouquet de fleurs, preuve de vie de la jeunesse, d’un coeur qui bat fort…

Un cœur qui bat pour la Fraaaaaanceee.

Il y a 20 ans, j’ai connu la France. J’ai 35 ans. Plus de la moitié de ma vie que je connais la France.

Cette France ouverte.
Cette France accueillante.
Cette France bienveillante.

Mon cœur bat, aussi, pour la France.

Mon père, ma mère, ce n’est pas la France.
La France, c’est ma fille.

Aimer la Fraaance. Chérir la Fraaance.

 Margarida

 

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Vie à l'étranger

Intégration sociale : en France ou ailleurs

Nombreux sont les exemples de gens qui arrivés d’ailleurs s’intègrent en France sans aucun problème. Parfois les médias de masse veulent nous faire croire le contraire. Quand on est étranger, on reste plus sensibles et surtout plus à l’écoute de ce qu’on entend dire : que si les noirs ceci, les arabes cela, les polonais je ne sais pas quoi, les italiens font plipli, les américains font plonplon et un long etc. qui serait à ne pas en finir. Et puis, les amalgames et confusions viennent très vite. Je ne suis pas mathématicienne, donc je ne m’y connais pas en chiffres; je ne suis pas sociologue, donc je n’ai pas fait d’enquêtes; je ne travaille pas à l’INSEE, donc je n’ai pas de statistiques devant moi. Peu importe, ce n’est pas mon objectif.

Je vais seulement dire une évidence, tellement évidence que parfois on l’oublie : des co** il y en a partout, des drôles aussi, des salo*** aussi. Ici, à Berlin, à Prague, à Tombouctou, dans ma ville ou à la Terre de Feu. Partout c’est partout.

L’intégration c’est devenir « un de plus »…

Seulement, j’aurais envie de différencier deux aspects : on peut se sentir bien dans la ville et pays où l’on habite, sans pour autant côtoyer beaucoup d’autochtones, ce qui peut arriver, je pense. Mais aussi, vouloir se sentir « un de plus », un vrai, un « presque-authoctone ». Pour les langues, on dit que quand on arrive à rêver dans une langue c’est que c’est bon, ça y est, on la maîtrise très très bien. J’oserai dire, alors, que quand un étranger fait partie d’associations locales et qu’il participe activement de la vie de la ville ou du village, c’est plutôt bon signe, c’est qu’il commence à se sentir « un de plus ». Certes, cela réclame, parfois, d’un certain effort (non pas physique mais psychologique) mais cela signifie, à mon humble avis, une belle preuve d’amour envers le pays qui nous accueille et aussi une marque d’ouverture de la part de celui qui reçoit. Un effort des deux côtés et c’est cela qui est bien !

Pour ma part, j’ai fait partie pendant quelques années d’un cercle celtique de danses bretonnes. J’ai enfilé un costume traditionnel qui n’était pas le mien et, au fond, j’étais bien fière de le porter. J’ai découvert plein de choses, j’ai appris des danses différentes à celles de Minorque, j’ai dansé sur scène, j’étais une de plus !

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