Interprétation

L’intelligence artificielle et la linguistique computationnelle

L’évolution des métiers dans les services linguistiques : s’adapter, créer, progresser

La vie d’une entreprise, surtout dans le secteur des services linguistiques, m’a toujours semblé être un livre en cours d’écriture. Chaque projet, chaque rencontre, chaque choix construit un chapitre unique. Ou pas, ça ressemblerait à un mélange de roman, autofiction, autobiographie, récit intime, essai financier… quelque chose de plutôt complexe, si vous voyez ce que je veux dire.
Parce qu’au fil du temps, les métiers évoluent, se transforment et se réinventent mais tout en restant fidèles à leur essence : transmettre le sens, relier les personnes et faire danser les langues, être un levier de la communication.

Une histoire de passeurs et de langues… qu’on nous dit

Historiquement, les interprètes et traducteurs ont toujours été des passeurs indispensables. C’est ce qu’on nous dit depuis belle lurette. Déjà dans l’Antiquité, ils permettaient aux cultures de communiquer et aux savoirs de circuler. Au XXᵉ siècle, l’émergence de l’interprétation simultanée dans le cadre des Nations Unies a marqué une révolution : une nouvelle technique, un nouveau rythme, de nouvelles compétences.

Aujourd’hui, la révolution est digitale, et les technologies continuent de transformer les pratiques professionnelles.

L’intelligence artificielle et la linguistique computationnelle

Mais toute cette révolution n’est pas nouvelle.

L’intelligence artificielle et la linguistique computationnelle sont devenues des compagnons de route incontournables pour les traducteurs et interprètes. La linguistique computationnelle, apparue dans les années 1950, a pour objectif de modéliser et d’analyser le langage à l’aide de programmes informatiques, permettant d’automatiser certaines tâches répétitives tout en conservant la qualité et la cohérence des traductions. Je me rappelle des références à Alan Turing dans mes premiers cours de linguistique à Barcelone en 1997.

Un peu plus tard, mes cours de praxématique à l’Université de Montpellier m’ont profondément marquée : cette discipline, qui étudie les relations entre le langage et l’action, complète parfaitement la linguistique computationnelle. Elle m’a appris à observer comment le langage se déploie dans la pratique, comment les intentions, les contextes et les interactions influencent la signification.

Ces notions sont aujourd’hui intégrées dans les nouveaux outils informatiques qui analysent le texte et prédisent des interprétations possibles, offrant un soutien intéressant mais sans jamais remplacer le jugement humain.

La complémentarité entre humain et machine

Tout ceci m’amène encore plus loin et fait jaillir mes analyses et commentaires sur le Cours de linguistique générale (1916) de Ferdinand de Saussure.

Je trouve que la pensée de Saussure et celle de Turing se rejoignent indirectement : le premier conçoit la langue comme un système de signes structuré, le second invente un cadre formel pour manipuler des symboles par le calcul. Ensemble, ces approches ont ouvert la voie à cette prénommée linguistique computationnelle, qui applique les méthodes algorithmiques de l’informatique à la structure du langage décrite par la linguistique.

Malgré toute cette puissance algorithmique, le travail humain reste irremplaçable (et oui, je l’écris en caractère gras !)

La sensibilité, la créativité et l’adaptation subtile aux besoins des interlocuteurs restent l’apanage du traducteur ou de l’interprète. On peut comparer cette relation à celle d’un pinceau et d’une palette : l’IA prépare les couleurs, propose des contours et des textures, mais le geste humain choisit le mouvement, la nuance et transforme ce tableau en une œuvre vivante et signifiante, c'est l'humain qui décide. On pourrait aussi la comparer à un pilote d’avion : la machine est puissante, capable de voler presque seule, mais l’expertise du pilote reste essentielle et incontournable. De la même manière, il faut un traducteur ou un interprète aux commandes pour orienter et traduire le potentiel de la technologie. Ce n'est, à mon sens, que dans cette complémentarité que le secteur peut évoluer sans perdre en rentabilité, tout en conservant la valeur ajoutée unique de l’humain.

L’évolution naturelle de toute entreprise

Toute entreprise connaît ses phases de croissance, de doute et de consolidation. Les premières années demandent patience et écoute, tandis que les suivantes permettent d’affiner ses méthodes, d’élargir son réseau et d’explorer de nouvelles pistes. Dans nos métiers, chaque projet est une occasion d’apprendre, de tester de nouvelles idées, et de conjuguer savoir-faire et innovation. 

La beauté des transformations

Observer l’évolution d’une entreprise et de ses métiers, c’est apprécier l’action et vouloir faire plus & mieux : certaines avancées sont spectaculaires, d’autres subtiles, mais toutes participent à enrichir notre métier. Comme un arbre qui grandit, chaque branche trouve sa place, chaque feuille reçoit la lumière. Et c’est ainsi que le livre continue de s’écrire ! Il me semble que nous sommes actuellement dans un vrai moment d’action !

Entre rigueur, créativité et rentabilité

Ces métiers, même au cœur des bouleversements technologiques et économiques, offrent toujours la possibilité de créer, d’innover et de relier les mondes. Et je ne pense pas que ça change aujourd’hui.

À nous de prouver qu'entre rigueur financière, adaptabilité aux outils modernes, curiosité et passion, la profession de traducteur ou d’interprète continue d’évoluer, toujours belle et toujours essentielle.
Interprétation

La rentrée professionnelle : routine et nouveaux défis

Septembre, le mois des transitions

Septembre est un mois singulier. Il marque la fin des vacances d’été, le retour à la routine, et en même temps l’ouverture de nouvelles perspectives. Les agendas se remplissent, les projets reprennent forme, et chacun retrouve ses repères après la parenthèse estivale.

Après deux mois passés à Minorque, mon autre « chez moi », je retrouve mon bureau en France. Les étagères, la table de travail, la pile de carnets… autant de repères familiers qui redonnent souffle au quotidien professionnel. Ce retour a toujours pour moi le goût particulier des retrouvailles : ce moment entre deux rythmes de vie, un mélange de neuf et de nostalgie.

Retrouver son espace de travail après l’été

Revenir à son espace professionnel après une longue pause n’est pas seulement un retour : c’est aussi une redécouverte. La lumière du bureau paraît différente, le clavier semble nouveau, les sons de la maison reprennent leur place.

On ne revient jamais tout à fait le même qu’en juin : l’été nous a enrichis de lectures, de silences, de rencontres.

Cet équilibre entre le « là-bas » et « l’ici » nourrit mon métier de traductrice et d’interprète. Il me rappelle qu’une langue, comme une vie, se construit dans le mouvement et dans l’alternance des espaces.

Un nouvel élan professionnel : pre-candidate AIIC

Cette rentrée 2025 est particulière pour moi. J’ai eu la joie de recevoir une nouvelle importante à la plage, entre deux baignades : je suis désormais pre-candidate AIIC.

L’AIIC (Association Internationale des Interprètes de Conférence) est l’organisation mondiale de référence pour les interprètes. Elle promeut la qualité, la déontologie et l’excellence de notre métier. Y entrer comme candidate est une étape exigeante, mais aussi une immense source d’inspiration et de motivation.

Je poursuis également mon engagement auprès de la SFT (Société Française des Traducteurs), où j’ai été déléguée régionale pendant 3 ans, et de l’AFICI (Association Française des Interprètes de Conférence Indépendants). Ces trois appartenances structurent ma pratique et me permettent d’avancer aux côtés de professionnels passionnés.

Recevoir cette nouvelle dans un contexte de vacances m’a rappelé combien la vie professionnelle et personnelle s’entrelacent dans nos métiers.

De nouvelles idées pour cette rentrée

Une rentrée n’est pas seulement une reprise : c’est aussi un tremplin. Mon esprit est en effervescence (parfois de trop) : nouvelles prospections, projets à développer, collaborations à imaginer. Gérer une entreprise indépendante, c’est conjuguer rigueur et créativité au quotidien.

Chaque rentrée est l’occasion de revoir ses priorités, de réinventer son organisation et de se donner un nouvel élan. C’est une saison où l’on avance avec énergie, mais aussi avec prudence : pas à pas, case après case dans l’agenda.

La rentrée est une saison charnière. Elle exige rigueur et organisation, mais elle ouvre aussi de nouveaux horizons. Elle rappelle que chaque retour est une chance de recommencer, d’aller plus loin, d’inventer autrement.

Pour moi, cette rentrée est un moment d’équilibre : un retour à mes racines professionnelles et un pas vers de nouveaux défis. Merci d’être là, de suivre ce chemin à travers mes lettres, mes traductions et mes interprétations.
Interprétation

La voix et les langues

Il y a la voix que l’on entend, celle que les autres perçoivent, claire, posée, tangible.

Et puis, il y a cette autre voix. Celle que l’on ressent. Une voix intérieure, plus profonde, faite de silences et de souffles, de souvenirs et de territoires. Une voix qui porte bien plus que des mots.

Quand j’interprète, je deviens passage. Je prête ma voix à d’autres. Je me fais discrète, presque effacée, pour mieux transmettre. Et pourtant… quelque chose de moi traverse toujours. Une intonation, une cadence, un rythme aux airs d’ailleurs. Cette part intime, presque imperceptible, s’infiltre dans les interstices. Elle est façonnée par les langues que je parle, par les lieux que j’habite, ceux d’hier et d’aujourd’hui.

Ma voix est un tissage

De catalan minorquin : ma langue d’enfance, celle du sable chaud et des rires salés.
De français : apprivoisé doucement, tendrement, comme on accueille une nouvelle maison.
De castillan : l’autre langue de mon chez-moi, celle des jeux, de la télé, des journaux

Parfois, ces langues s’entrechoquent, se frottent. Et elles laissent des traces.

Depuis quelque temps, quand je parle minorquin, on me dit que j’ai un accent français

Moi ? L’enfant d’ici ? Celle qui a grandi au rythme des mots soufflés par les anciens ?
Au début, j’étais incrédule. Et puis… j’ai commencé à l’entendre, moi aussi. Certaines inflexions, certains contours arrondis qui n’étaient pas là avant.
Comme si ma voix professionnelle et celle de ma vie à l’étranger, celle qui s’est façonnée au fil des micros et des traductions, avait déposé son empreinte, même sur ce qui me semblait immuable.

Alors, je souris. Un peu surprise. Un peu touchée.

Comme si ma langue d’origine me reconnaissait encore, mais d’un peu plus loin.
Comme si elle n’était plus tout à fait pour tout le monde.
Comme si je la parlais depuis l’ailleurs, depuis ces années à naviguer entre les langues, à décoder les silences et les respirations étrangères.
Depuis les livres lus dans d’autres rythmes, les voix croisées dans d’autres structures.

Ma voix est devenue un territoire mouvant

Un palimpseste : en dessous, l’enfant minorquine est encore là ; au-dessus, les couches de toutes ces années passées ailleurs.

Et peut-être que c’est cela, être « entre la voix et les langues ».
Ni tout à fait ici, ni tout à fait là-bas. Mais en lien. Toujours.

Et si la voix n’était pas ce qui nous définit, mais ce qui nous relie ?
Un fil invisible entre les mondes, entre les êtres, entre les temps.
Un souffle tissé d’échos anciens, d’accents voyageurs, de silences partagés.
Un murmure qui dit, tout doucement : je suis là.
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