Bilinguisme

Enfant bilingue anglais dans une famille monolingue : pour ou contre ?

Cela fait très longtemps que j’ai envie d’écrire sur ce sujet qui fait débat dans l’univers du multilinguisme.

Mais avant d’avancer, j’aimerais tout simplement rappeler (pour ceux qui arriveraient ici pour la première fois) l'énorme amour que je voue aux langues et à la richesse linguistique (toutes les langues, sans ordre de préférence ni priorités établies). Mon but est donc d'amener à réfléchir et non pas de juger car, à la maison, chacun fait ce qu'il veut et que l'on sait très bien que les recettes miracles n'existent pas pour le bilinguisme précoce simultané.

Je lis sur le sujet, je travaille le sujet, je vis le sujet, j’assiste à des rencontres et des débats sur le sujet. Le multilinguisme fait partie de ma vie et j’en suis très contente. C’est un fait. Nous évoluons en tant que famille trilingue dont moi, la maman, je suis porteuse de 2 des 3 langues, un poids peut-être mais qui n’en est pas un car je le vis de façon naturelle sans m’imposer (trop) de contraintes.

enfant bilingue famille monolingue

Si je suis celle qui transmet 2 des 3 langues à ma fille, c’est tout simplement parce que j’ai 2 langues maternelles : je suis née, j’ai grandi et j’ai appris en deux langues, le catalan et l’espagnol, deux langues qui ont un statut de co-officialité aux Iles Baléares, ma région, là où habite toute ma famille, là où j’ai habité jusqu’à mes 18 ans. Là où l’on passe de longues périodes à l’année.

Introduire, à la maison, une langue étrangère aux deux parents

C’est alors que la question de l’introduction à la maison (d’une famille monolingue) d’une langue (on va dire l’anglais) qui n’est en aucun cas langue maternelle d’aucun des deux parents me pose un tout petit peu problème.

Certes, au XXIè siècle, nous sommes tous des parents qui rêvent du meilleur pour nos enfants.

Rêver du meilleur pour ses enfants c’est bien.
Rêver de son bonheur c’est encore mieux !

Je connais des familles, j’ai lu sur des familles qui élèvent donc leurs enfants dans cette langue qui est étrangère aux deux mais qui, par leur propre désir, se transforme en une des langues de la maison. Nous, parents d’aujourd’hui, nous sommes plus débrouillards en langues que la génération de nos parents. Beaucoup de parents ont des carrières à l’international, travaillent dans des multinationales et parlent l’anglais très bien, couramment.

Mais même si ce père ou cette mère maîtrise parfaitement l’anglais, j’ai quelques doutes quant à la transmission de cette langue à ses enfants.

Je l’ai exprimé à plusieurs reprises, cela revient presque systématiquement dans tous mes écrits…

Pour moi une langue est beaucoup plus qu’un outil de communication, une langue est une culture, un sentiment, un pays, une vie, des vies.

Alors, comment des parents peuvent parler TOUT LE TEMPS en anglais à leurs enfants alors que eux ils ont été bercés dans une autre langue ? Comment est-ce possible ?

J’aurais presque envie de leur poser quelques questions :

 – êtes-vous sûrs de pouvoir tenir dans la durée ? Quand vous serez fatigué, épuisé ou mort de rire ?
– êtes-vous sûrs de pouvoir chanter des comptines en anglais à vos enfants ? Même si vous les connaissez très bien ? Vous qui êtes Espagnol et habitez à Madrid ?
– êtes-vous sûrs de vous sentir parents dans une langue qui n’est en rien la vôtre ? êtes-vous sûrs de vous reconnaître vous-mêmes ?
– êtes-vous sûrs que cela a le même sens et la même signification d’expliquer la recette des galettes bretonnes en anglais ? vous qui êtes Français et habitez à Rennes ?
– êtes-vous sûrs ?

Le côté affectif serait-il ainsi mis de côté ?

Parce que moi, par exemple, je sais que je connais des comptines en langue française, je les ai mêmes enseignées à des élèves, je les ai aussi analysées grammaticalement ou même psychanalytiquement mais, voyez-vous, je préfère lui chanter des petites chansons en catalan ou en espagnol. Moi, par exemple, je trouve plus sympa de lui parler de la recette de la paella en catalan car voyez-vous, pendant que je dis riz, poivron vert, gamba, j’insère aussi des anecdotes de mon père aux fourneaux, et mon père, il connaît quelques mots en Français mais, voyez-vous, il ne le parle pas.
Enfin bref, je pourrais continuer…

Le 16 septembre dernier, j’ai assisté à une conférence sur le bilinguisme à Nantes avec Ranka Bijeljac-Babic, linguiste et chercheuse, dans le cadre d’une journée sur le plurilinguisme organisée par EVALAP et ce sujet a aussi été abordé par un couple de jeunes parents. La plupart des participants ont été d’accord pour dire que ce n’est peut-être pas la meilleure des manières d’introduire une langue qui n’est pas la nôtre car même si la communication se fait, beaucoup d’autres facteurs d’ordre cognitif et émotionnel seraient mis de côté.

Je ne dis pas qu’il ne soit pas important de leur apprendre l’anglais, je dis, qu’il y a sans doute d’autres moyens :

– atelier
– écoles de langues
– baby-sitter
– filles au pair
– (…)

 Alors voilà, je me demande tout simplement si vouloir que nos enfants apprennent l’anglais coûte que coûte dès le berceau mérite de fermer la porte à une partie de nous, de nos familles, à une partie de notre culture ? Une partie même de notre identité ?

 

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Bilinguisme

VIe Rencontre d’enfants franco-hispanophones de Nantes

Deux mois jour pour jour après notre Ve Rencontre, nous voilà réunis pour la VIe.

Une Rencontre d’enfants franco-hispanophones avec un prévisionnel de participation au plus élevé. Incroyable ! De plus en plus de familles répondent présent à ces moments de partage entre familles biculturelles et bilingues issues de l’amour entre francophones et hispanophones. À la dernière minute, quelques désistements, les virus ont commencé à faire leur apparition.

enfants bilingues franco hispanophones nantes

C’est dommage. Mais on est encore très nombreux, au fond, on se dit qu’on sera un peu moins à l’étroit. Car oui, le lieux de nos rencontres est au coeur de nos préoccupations principales. Affaire à suivre.

La Rencontre commence et les enfants, pour certains un peu timides au début, sont finalement ravis de se rencontrer. Les plus âgés n’arrêtent pas de jouer, on tend l’oreille, pas mal, ils se parlent en espagnol ! À chaque fois, ils sont ravis de découvrir de nouveaux livres, de nouveaux jeux…

Entre adultes, on parle de nos expériences respectives. Pour les uns c’est encore un peu tôt, bébé, 18 mois n’a pas de vraies conversations (logique !), mais les parents mettent toujours toutes les chances de leur côté pour que le bilinguisme précoce simultané se fasse de la manière la plus naturelle possible.

Cette VIe Rencontre était celle qui marquait les 1 an de notre existence ! Un an déjà écoulé depuis notre première fois. Nous sommes ravis, contents, très motivés dans notre aventure et nous ne lâchons rien.

Mais sans doute, cette VIe Rencontre marquera aussi un tournant dans cette expérience car une chose est sûre : afin de pouvoir répondre qualitativement aux grand nombre de participants, il faut s’asseoir, réfléchir et mettre en place une nouvelle feuille de route !

Je vous dis alors à très vite avec des nouvelles infos !

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Bilinguisme

Anecdote d’enfant trilingue

Lundi matin, à l’école, Thelma devait passer une petite consultation avec un médecin de la PMI pour vérifier que tout va bien au niveau des yeux et des oreilles (et tout va bien). Cette consultation était prévue depuis quelques semaines. Mais il s’est avéré que samedi, la varicelle avait fait sa terrible apparition. Au départ, j’étais très optimiste, le week-end n’avait pas été trop difficile, elle avait la super forme. Tout s’est compliqué dimanche soir avec l’apparition des démangeaisons et donc, une nuit assez désagréable. Bref, j’ai finalement décidé que ce n’était pas une bonne idée d’aller à l’école.

enfants bilingues

Alors voilà, j’ai commencé à déployer ma cape de wonder-woman maman free-lance qui travaille à la maison à l’étranger et je me suis faite à l’idée que la semaine serait sous le signe de la conciliation-intégration et à force de patience, beaucoup de patience (quand est-ce déjà que la semaine touche à sa fin ?). Rien de neuf pour les mamans. Mais j’ai aussi décidé qu’elle n’allait pas la louper cette consultation avec le médecin de la PMI. Pour cela, j’ai fait les démarches nécessaires : passer un coup de fil à l’école, échanger d’abord avec la secrétaire qui m’a dit qu’elle allait voir cela avec la maîtresse et qu’elle me rappellerait. Elle m’a rappelé pour me dire que c’était bon, on pouvait passer, Thelma et moi vers 10h.

A ce stade de l’article, vous vous demandez sans doute pourquoi je vous raconte tout ça, enfin de compte, c’est assez banal comme histoire…

Le déroulement de la consultation : l’enfant bilingue en action !

Après les bonjours à la maîtresse et à l’atsem, on nous invite à attendre dans un couloir qui fait office de sas entre la salle de cours et la salle où le médecin reçoit les petites têtes blondes. On attend, on attend et voilà que le tour de Thelma arrive. Le médecin lui dit de rentrer, je ne bouge pas mais elle m’invite aussi à accompagner ma fille, j’ai un peu insisté pour rester dans le couloir mais non, elle me dit de passer, il y a pas de souci madame.

Non, il n’y a pas de souci madame jusqu’à ce que…

Très professionnelle, le médecin explique à Thelma, après lui avoir demandé de dessiner un petit bonhomme, qu’elles vont faire des petits jeux.

Le premier petit jeu consiste à écouter des mots que le médecin lui dit à différents volumes au creux de l’oreille et après, Thelma doit répéter très fort ce qu’elle a entendu/compris. J’étais assisse un peu loin d’elles et le médecin lui dit très sympathiquement, tu sais Thelma, il faut que tu dises ce que tu entends à ta maman.

Hahahahahaha ! Je l’attendais celle-là :

Le jeu commence.

Le médecin lui chuchote le mot « lapin ».

Thelma me regarde de son air coquin et crie « conillet »

Un premier regard du médecin envers moi.

J’ai rien dit pour l’instant.

Deuxième mot chuchoté « chapeau »

Thelma crie « capell ».

Le médecin me re-regarde.

Et là, je lui ai expliqué qu’elle avait affaire à  une petite trilingue.

Ah bon ! Tu sais, Thelma, tu vas me les répéter à moi alors les mots.

Entre elle et moi, toujours notre langue maternelle

Evidemment, le médecin, très gentille, avait voulu m’intégrer dans la consultation sauf qu’elle n’avait pas pu prévoir que ça nuirait à son « petit jeu » et donc, elle serait dans l’incapacité de voir si Thelma entendait les bons mots.

C’était une situation très comique. J’étais gênée et en même temps très très fière de ma fille qui, quoi qu’il arrive et peu importe les circonstances, elle ne change pas sa manière de faire et continue à me parler dans ma langue. Du haut de ses quatre ans.
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