Interprétation

La voix et les langues

Il y a la voix que l’on entend, celle que les autres perçoivent, claire, posée, tangible.

Et puis, il y a cette autre voix. Celle que l’on ressent. Une voix intérieure, plus profonde, faite de silences et de souffles, de souvenirs et de territoires. Une voix qui porte bien plus que des mots.

Quand j’interprète, je deviens passage. Je prête ma voix à d’autres. Je me fais discrète, presque effacée, pour mieux transmettre. Et pourtant… quelque chose de moi traverse toujours. Une intonation, une cadence, un rythme aux airs d’ailleurs. Cette part intime, presque imperceptible, s’infiltre dans les interstices. Elle est façonnée par les langues que je parle, par les lieux que j’habite, ceux d’hier et d’aujourd’hui.

Ma voix est un tissage

De catalan minorquin : ma langue d’enfance, celle du sable chaud et des rires salés.
De français : apprivoisé doucement, tendrement, comme on accueille une nouvelle maison.
De castillan : l’autre langue de mon chez-moi, celle des jeux, de la télé, des journaux

Parfois, ces langues s’entrechoquent, se frottent. Et elles laissent des traces.

Depuis quelque temps, quand je parle minorquin, on me dit que j’ai un accent français

Moi ? L’enfant d’ici ? Celle qui a grandi au rythme des mots soufflés par les anciens ?
Au début, j’étais incrédule. Et puis… j’ai commencé à l’entendre, moi aussi. Certaines inflexions, certains contours arrondis qui n’étaient pas là avant.
Comme si ma voix professionnelle et celle de ma vie à l’étranger, celle qui s’est façonnée au fil des micros et des traductions, avait déposé son empreinte, même sur ce qui me semblait immuable.

Alors, je souris. Un peu surprise. Un peu touchée.

Comme si ma langue d’origine me reconnaissait encore, mais d’un peu plus loin.
Comme si elle n’était plus tout à fait pour tout le monde.
Comme si je la parlais depuis l’ailleurs, depuis ces années à naviguer entre les langues, à décoder les silences et les respirations étrangères.
Depuis les livres lus dans d’autres rythmes, les voix croisées dans d’autres structures.

Ma voix est devenue un territoire mouvant

Un palimpseste : en dessous, l’enfant minorquine est encore là ; au-dessus, les couches de toutes ces années passées ailleurs.

Et peut-être que c’est cela, être « entre la voix et les langues ».
Ni tout à fait ici, ni tout à fait là-bas. Mais en lien. Toujours.

Et si la voix n’était pas ce qui nous définit, mais ce qui nous relie ?
Un fil invisible entre les mondes, entre les êtres, entre les temps.
Un souffle tissé d’échos anciens, d’accents voyageurs, de silences partagés.
Un murmure qui dit, tout doucement : je suis là.
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Interprétation

Brève de Nouvel An

[2🎈24]

Premières heures et premiers jours d’une nouvelle année que je vous souhaite, du fond du cœur, emplie de sourires et de doux moments !

2024 marque pour moi la 10ᵉ année de mon entreprise.
Le 3 janvier 2014, j’ai appuyé sur le bouton qui m’a fait décoller.
Le bouton qui m’a donné un statut juridique et fiscal pour exercer mon métier d’interprète et traductrice de façon indépendante.

Alors cette nouvelle année, je nous la souhaite à tous et à toutes sous le mot qui m’a permis de grandir et évoluer professionnellement : OSER !

osons aller de l’avant,
osons dire oui,
osons ne jamais baisser les bras,
osons la vie !

Et soyez heureux !

LA PROMESSE 2024

Je vous laisse ici ces mots comme une promesse.
La promesse de vous dire que 2024 sera grandiose.
La promesse de revenir ici plus souvent.
Sans me laisser emporter par le tourbillon des allers-retours.
La promesse de venir vous parler interprétation et traduction.
Et langues aussi.
La promesse de reprendre les échanges avec vous.
Et profiter de cette richesse.
Cette richesse humaine qu’est le verbe.
Et les dialogues, les conversations, les discussions.
La promesse de grandir ainsi ensemble.
La promesse d’aller toujours de l’avant.

Cap ou pas cap ?

Interprétation

L’importance de la traduction à vue (pour l’interprétation)

La traduction à vue, ou reformulation orale en langue cible d’un texte écrit dans la langue source, est une activité de traduction très répandue dans les domaines professionnels et de formation.

Certains auteurs la considèrent comme une étape antérieure à l’interprétation simultanée, bien qu’elle partage également certaines structures de travail avec l’interprétation consécutive, en raison de la nature même des moyens d’initiation (communication écrite) et de départ (communication orale), qui impliquent un certain retard dans la transmission du message.

Compte tenu de l’énorme complexité du processus, il requiert une série de capacités psychophysiologiques de base liées à la résolution de problèmes sous pression, à la mémoire et, surtout, à une grande fluidité orale pour un accès sémantique rapide.

La traduction à vue comme un exercice d’entraînement

La traduction à vue est un entrainement qui met le traducteur/interprète face à un exercice extrêmement complexe, car il demande de mobiliser un certain nombre d’aptitudes :

-rapidité

  • fluidité
  • trouver des solutions
  • ne pas buter

… mais notamment, je dirais qu’il ne faut pas confondre traduction à vue avec résumé ou synthèse.

Bien évidemment, la traduction à vue entendue comme un exercice d’entraînement peut se faire de façon progressive. En formation, certains donnent un temps de préparation, pour une première lecture et ensuite passage à la traduction à proprement parler.

Ne pas confondre résumé et traduction à vue

Faire une traduction à vue n’a rien à voir avec un exercice de synthèse. Bien sûr, la compréhension d’un texte passe par la compétence de savoir le résumer mais ici, lors d’un exercice de traduction à vue, il faut dire le texte original dans la langue d’arrivée et non pas le résumer.

Pour faire le résumé d’un texte, le cerveau suit, principalement, trois étapes :

  1. lecture
  2. compréhension
  3. synthèse

Alors que la traduction à vue se base sur la simultanéité :

On lit (1) et en même temps, on traduit (2)

Pourquoi la traduction à vue est importante pour les interprètes ?

Nous venons d’évoquer le terme simultanéité, ce qui nous rapproche indiscutablement de la pratique de l’interprétation simultanée.

Ainsi, nous pouvons affirmer que la traduction à vue nous aide à entrer dans la dynamique de l’interprétation simultanée, puisque dans les deux cas, il s’agit d’une interprétation qui nécessite une division de l’attention. En interprétation simultanée, il faut apprendre à écouter et à parler en même temps. Dans la traduction à vue, il s’agit de lire et de parler en même temps. La traduction à vue permet donc de mieux gérer le temps, puisque l’interprète n’a pas d’orateur pour donner le rythme, c’est lui-même qui donne son propre rythme, c’est donc un bon exercice d’entraînement.

Par ailleurs, la traduction à vue est parfois utilisée lors de réunions et conférences quand un des orateurs donne, à la dernière minute, un texte qu’il va lire à l’auditoire. L’interprète fera alors une traduction à vue derrière son micro. Je rappelle ici que la lecture d’un texte de la part d’un conférencier est un moment redouté par l’interprète pour une raison déjà évoquée précédemment : le rythme et le débit de parole. En effet, quand une personne lit a tendance à accélérer son débit de parole, ce qui complique la tâche de l’interprète.

Pour conclure, je dirai qu’avec la traduction à vue, l’interprète ou le traducteur, est subordonné à la forme écrite, à l’ordre des mots, aux structures syntaxiques plus ou moins rigides, et qu’il doit faire un effort supplémentaire pour découvrir le sens et l’exprimer, pour éviter les interférences lexicales et les calques qui peuvent survenir en raison de la forme écrite du texte original.