On pense souvent que nos métiers consistent à traduire des mots, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. Et bien sûr, c’est vrai, avec toutes les nuances que cela implique. À passer d’une langue à une autre, avec précision, nuance et justesse. Et, bien entendu, cela en fait partie. Mais cette vision, aussi exacte soit-elle, ne montre qu’une petite partie de ce que nous faisons réellement.
Car la dimension la plus déterminante de notre travail reste, paradoxalement, celle que l’on ne voit pas : le savoir-être.

Le savoir-être et la discrétion
Parce que derrière chaque commande d’interprétation, chaque page traduite, chaque prise de parole en cabine ou en consécutive, il y a une façon d’être, par rapport à soi-même et par rapport aux autres.
♦ Il y a la diplomatie, essentielle pour allier sensibilités, cultures, personnalités
♦ Il y a la discrétion, comme un fil invisible qui nous guide pour protéger les contenus et les échanges
♦ Il y a la gestion des émotions, les nôtres comme celles des personnes que nous accompagnons, surtout vrai en interprétation
♦ Et puis, il y a cette capacité à s’effacer juste ce qu’il faut : être là sans être au centre, permettre la rencontre sans jamais l’envahir
Car sans tout cela, même une traduction linguistiquement parfaite ne relie pas vraiment les gens. Elle transmet des mots, mais pas la relation.
Être traductrice ou interprète, c’est avant tout faciliter la rencontre entre deux visions du monde différentes, de manière fluide, respectueuse… et souvent profondément invisible.
Ce que l’on ne peut pas dire, même à l’ère de la visibilité permanente
C’est aussi pour cette raison que nous ne pouvons pas tout partager de nos métiers. Ni ici sur un blog, ni sur nos sites web, ni ailleurs sur les réseaux sociaux.
Une grande partie de ce que nous vivons appartient à d’autres…
Des histoires personnelles, des enjeux confidentiels, des projets sensibles, des moments d’émotion.
Notre métier repose précisément sur la confiance. Et cette confiance exige de la retenue.
Dans un monde dans lequel l’on nous encourage à tout montrer, tout documenter, tout exposer, cette exigence d’invisibilité crée parfois une tension.
La délicate transition entre discrétion et visibilité
Parce qu’il y a aussi une autre réalité qu’il faut prendre en compte :
celle d’être indépendante. Quand on a sa propre activité professionnelle, sa propre entreprise (quelle que soit la forme juridique), il faut développer l'activité, répondre aux obligations administratives (URSSAF, CIPAV ou équivalents), garder une visibilité suffisante pour que l’on pense à nous, entretenir un réseau, se présenter. Se raconter… un peu.
Tout cela en veillant à rester fidèle à la confidentialité inhérente à notre profession.
Et c’est pour toutes ces raisons que la question de l’équilibre se pose :
♦ Comment être visible sans trop en dire ?
♦ Comment être présente sans déroger à la discrétion ?
♦ Comment raconter son métier sans dévoiler ce qui n’est pas à nous ?
Je crois qu’un équilibre existe et qu’il peut être trouvé et que cela reste possible, mais avec beaucoup de nuances aussi. Et, peut-être, avec un peu de créativité aussi.
Et vous ? Comment percevez-vous, dans votre propre activité, cette recherche d’équilibre entre ce que vous montrez… et ce que vous gardez ?

